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Goldoni

vendredi 11 mai 2007

Source : le Monde 11 05 2007

Goldoni est profondément italien "

A l’occasion du tricentenaire de la naissance du dramaturge, entretien avec le metteur en scène Luca Ronconi

Milan Envoyée spéciale

En 2007, on fêtera Goldoni, en Italie et en France. L’auteur d’Arlequin, serviteur de deux maîtres est né àVenise en 1707, et mort à Paris en 1793. Le Théâtre del’Odéon, qui accueillit les inoubliables spectacles de Giorgio Strehler, présente du 10 au 20 mai une pièce méconnue, Il Ventaglio (L’Eventail), écrite en 1764parunGoldoni exilé à Paris. Luca Ronconi, 74 ans,actuelL’Eventail, par exemple, a été écrite à partir d’un canevasimprovisé, les répliques sont beaucoup moins riches quedans d’autres textes. Il n’y a rien de réaliste dans cette pièce : il ne faut donc pas compare le monde paysande L’Eventail au monde populaire de pièces plus
connues, et dire : c’est moins bien réussi. C’est autrechose.

Quel est ce Goldoni que vous avez découvert dans ces pièces ?

Un auteur chez qui il y a une forme de cruauté, d’ambiguïté et de mélancolie, certes voilées par le comique, mais qui sont bien là. C’est particulièrement le cas pour L’Eventail, pièce de l’exil et de la vieillesse, écrite par un Goldoni qui s’est détaché de ses sources les plus sincères, du dialecte vénitien, du monde réel qui le
nourrissait.

Vous ne la considérez pourtant pas comme un testament théâtral, dans le sens où elle ne livre pas une clé pour toute l’oeuvre...

Il n’y a pas de regard en arrière, pas de nostalgie. Plutôt une sorte de défi : écrire quelque chose de totalement nouveau. Une sorte de fable réaliste.

Pourquoi avoir choisi cette pièce-là pour ces deux anniversaires, celui de Goldoni et celui du Piccolo ?

Pour ouvrir de nouvelles perspectives, et ne pas refaire ce que Strehler avait - très bien - fait ici, avec Arlequin ou La Trilogie de la Villégiature. Je voulais quelque chose de complètement différent, sans masques, qui s’éloigne de la commedia dell’arte.

Est-ce que le bonheur qu’a eu Strehler à monter Goldoni, son succès éclatant, a finalement bloqué la recherche d’autres styles de mise en scène ?

Non, parce que l’univers de Strehler est très pertinent par rapport aux pièces qu’il avait choisies, mais ne peut pas se plaquer sur tout Goldoni. Il Campiello, c’est très vivant, très joyeux. Alors que L’Eventail est une comédie aigre-douce, de quiproquos, de sentiments obliques. Même si Strehler a aussi monté La Trilogie de la Villégiature, qui est assez mélancolique. A l’époque, d’ailleurs,
beaucoup de gens ont dit : " Ce n’est pas du Goldoni, c’est du Tchekhov... "

Comment définiriez-vous vos choix par rapport à ceux de Strehler ?

Il n’aimait pas du tout L’Eventail... Il la comparait auCampiello, et disait : " Les gens du peuple ne sont pas comme ça "... Mais la pièce n’a pas l’objectif de représenter le peuple tel qu’il est. Au point de
vue social, il y a une vision des classes très précise, mais pas de conflit. Il n’y a pas la vitalité, la force, voire la violence de Barouf à Chioggia, par exemple.

Cet autre Goldoni fait penser à cet autre Molière, tardif, lui aussi plus noir, plus mélancolique, empreint d’une folie secrète...

L’hypocondrie qui affligeait Goldoni affecte ses textes. Il voit les défauts, les côtés négatifs des gens avec un oeil très précis, ainsi que les ambiguïtés, les plis et replis des comportements. Pourtant, ce n’est pas un moraliste : il retourne tout en comique.

Est-ce un cliché de dire que Goldoni correspond à un certain génie national italien ?

Non. Il y a quelque chose de profondément italien chez lui : cette désinvolture, cette bonhomie qui au fond camouflent un certain cynisme. Il y a un mot intraduisible de cette époque-là : sprezzatura.

Une façon de prendre les choses, y compris les plus négatives, avec légèreté. Goldoni porte là-dessus un regard très tolérant, mais sans ingénuité. Il y a chez lui un désenchantement profond.

Propos recueillis par Fabienne Darge

au programme

Spectacles.

Il Ventaglio (L’Eventail), mise en scène de Luca Ronconi.

Odéon-Théâtre de l’Europe, place de l’Odéon, Paris-6e. Mo Odéon. Tél. : 01-44-85-40-40. Du mardi au samedi, à 20 heures, dimanche à 15 heures, jusqu’au 20 mai.

Samedi 12 mai, à 15 heures, rencontre sur
Goldoni avec le critique allemand Bernd Sucher et les comédiens Sunnyi Melles et Laurent Manzoni, entrée libre sur réservations. De 7,5 euros à 30 euros

Goldoni/Strehler : Mémoires, mise en scène de Giorgio Ferrara. Théâtre Montparnasse, 31, rue de la Gaîté, Paris-14e. Mo Montparnasse. Tél. : 01-43-22-77-74.

Du mardi au samedi, à 20 h 30, dimanche à 17 heures. A
partir du 19 mai. De 10 à 38 euros.

Goldoni au théâtre des marionnettes, conférence-spectacle de la compagnie Carlo Colla et fils, en collaboration avec le Piccolo Teatro de Milan, à l’Institut culturel italien, entrée au 73, rue de Grenelle, Paris 7e. 20 heures.

Entrée libre sur réservation au 01-44-39-49-39.

Exposition.

" Dans les coulisses du Piccolo Teatro ", par le photographe Gérard Uféras. Institut culturel italien, hôtel de Galliffet,

50, rue de Varenne, Paris-7e. Mo Varenne. Tél. : 01-44-39-49-39.

Du lundi au vendredi, de 10 heures à 13 heures et de 15 heures à 18
heures. Jusqu’au 31 août.

Cinéma.

L’Institut culturel italien présente également une
rétrospective de films et de documentaires consacrés à Goldoni et aux mises en scène de Giorgio Strehler et de Luca Ronconi au Piccolo Teatro de Milan : le 14 mai, à 20 heures,

II Due Gemelli allo specchio
(film consacré à la pièce intitulée Les Deux Jumeaux vénitiens, 2001)
 ; le 15 mai, à 21 heures, Bettina (1976) ; le 21 mai, à 20 heures,

Giorgio Strehler : le théâtre de la poésie, de Francesca Pini (1993) ;
le 22 mai, à 20 heures, Arlecchino servitore di due padroni (1992) ;

le 5 juin, à 20 heures, La Trilogie de la Villégiature (1978) ; le 6 juin, à 20 heures, Le Baruffe chiozzotte (1966), précédé de la présentation du livre d’entretiens de Myriam Tanant, Giorgio Strehler
(éd. CNSAD/Actes Sud, coll. " Mettre en scène ".

La plupart de ces films sont présentés en version originale non sous-titrée au 73, rue de Grenelle, Paris-7e.

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