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Interview de Pierre Clavilier, biographe de Frida Kalho

lundi 31 mai 2010, par Jean-Olivier SAIZ

"Rebelle dès son jeune âge, Frida Kahlo mène sa vie avec force et passion. Engagée dans le combat politique, proche des idéaux communistes, elle est l’une des femmes les plus marquantes de l’ère révolutionnaire mexicaine. Émancipée, elle ne veut pas suivre le chemin tout tracé de la femme mexicaine du début du siècle. Elle veut étudier, elle veut voyager, elle veut la liberté et le plaisir ! Elle lutte aussi pour la défense des plus démunis et pour la reconnaissance des anciennes cultures mexicaines. Après une maladie d’enfance et un terrible accident, elle met en scène son corps et sa souffrance dans ses tableaux : son style de peinture, les thèmes qu’elle aborde dans ses toiles la mèneront à la célébrité. D’André Breton à Picasso, de Henry Ford à Trotski, Frida Kahlo a croisé les plus grands esprits de l’époque, qui ont tous vu en cette femme un être d’exception !" (Pierre Clavilier)

1) D´où vous vient cette passion pour Frida Kahlo ?

Les raisons sont multiples ! Tout d’abord, ses peintures ne sont jamais à prendre au premier degré. Elles vont au-delà des apparences aussi l’anecdotique, chez cette femme, n’est qu’un masque qui lui permet de forer à des profondeurs si intimes, qu’elles touchent à l’universalité du genre humain (quelque soit son sexe). C’est un point où le « je » devient l’autre. Ces tableaux sont des miroirs dans lequel nous nous reflétons sans nécessairement le savoir pourtant, ils prennent souvent la forme d’autoportrait mais nous sommes si loin du narcissisme supputé par bien du monde… et puis il y a son existence marquée de souffrances et de victoires, de faillites et de triomphes. Une vie extraordinaire, dans le sens premier du mot, qui lui a permit d’être approché par des très grands. C’est très intéressant de visiter l’époque où elle vivait par son prisme, cela rétablit parfois l’ordre de choses ou du moins les nuance. Il y a aussi mon goût sans borne pour le Mexique, mon bilinguisme n’est pas étranger non plus… Il y a aussi la singulière modernité de Frida Kahlo qui n’a pas vécu avec son époque mais l’a anticipé. En ce sens, elle est notre contemporaine. Les engagements qu’elle prend auprès des plus démunis rappellent beaucoup des luttes actuelles, son combat pour la place des handicapés dans la société et l’accès à l’éducation. Celui qu’elle eut envers les minorités ethniques… Il y a aussi son féminisme et sa position sur une grande question actuelle, mourir dans la dignité. Je pense également que ses questionnements peuvent éclairer les débats de notre société et comme mon livre est écrit de façon à ce qu’il soit lisible dès l’adolescence, mes plus jeune lecteurs ont douze à treize ans, il peut leur servir de vecteur de réflexion.

2) Pourquoi la figure de Frida vous semble "indissociable du Mexique tout comme le Mexique est indissociable d’elle" ?

La vie de Frida s’inscrit dans un mouvement intellectuel qui souhaite avoir ses racines de son expression dans le terroir Mexicain, mais non seulement la vie de Frida Kahlo mais aussi sa peinture. Tout ce qu’elle fait prend sa dimension si on l’ancre dans la culture mexicaine. Vous savez peut-être, les œuvres de Kahlo sont jonchées d’éléments précolombiens qui lui étaient familiers et si vous en connaissez l’usage, vous déchiffrez immédiatement des messages qui vont au-delà les apparences. J’ai l’habitude d’affirmer que Frida était une peintre de la narration et non de la représentation. Les outils dont elle se sert pour narrer, ce sont les symboles et parfois les allégories, deux clefs indispensables pour pénétrer son univers… Voilà pour la première partie de ma réponse. La seconde est évidente quand on va au Mexique où Frida est très populaire. Partout elle est célébrée, on trouve des reproductions de ses tableaux sur les supports les plus insolites : cabas, montres, couvertures ou drap de lit, vêtements, cahiers d’écolier, cendriers, porte-clefs… et des cartes postales à son effigie se vendent en masse. Quand on sonde les mexicains, elle fait partie des personnalités les plus appréciées. Je crois que son courage face à l’adversité et son talent pour ne pas dire son génie, sont des objets d’orgueil national. Objet légitime s´il en est.

3) En quoi ce destin de femme vous a paru exceptionnel ?

Autodidacte, Frida Kahlo a égalé les plus grands peintres de son époque. Elle a créé son propre style qui fait que l’on reconnaît immédiatement sa griffe comme on reconnaît sans marquer d’hésitation un tableau des dernières années de Van Gogh. Et puis, il y a la traversée des évènements historiques dont elle est témoin et, pour certains d’entre eux, actrice. Comment vous dire ? Par trois fois cette femme aurait dû mourir, et par trois fois cela a donné chez elle naissance à un nouvel élan, une nouvelle dimension. N’est-ce pas exceptionnel ? Il y a aussi sa perspicacité doublée d’une lucidité hors norme.

4) Quels sont les hommages prévus en 2011 et comment peut-on vous y associer


Il y en aura de multiples puisque 2011 sera l’année du Mexique, dont en septembre une rétrospective de ses œuvres au musée de l’Orangerie à Paris. Pour ma part, premier biographe en langue française de cette femme, j’ai déjà été contacté par des bibliothèques, médiathèques, établissements scolaires pour animer des ateliers dans ce cadre, rencontrer des élèves de tout âge, donner des conférences etc. J’ai même fait depuis la sortie de mon livre, des voyages de classe au Mexique… Mais si vos lecteurs veulent étudier avec moi la possibilité de faire quelque chose, je suis ouvert à toutes les propositions. Pour me contacter, c’est simple je vous donne mon adresse électronique et qu’ils m’écrivent, je leur répondrai avec enthousiasme. pierre.clavilier95@gmail.com.

5) En quoi l´univers de Frida reste accessible à tous, de la maternelle au lycée ?


Je sensibilise les enfants de maternelle à Frida à travers les animaux qui habitent ses toiles et en découvrant ce monde animal on parle du Mexique et de Frida. C’est un peu une lecture de conte féerique, d’ailleurs de nombreux tableaux sont propices à raconter des histoires que les très jeunes enfants écoutent en participant. Ils peuvent, voyant un perroquet, raconter leur propre histoire. Pour les plus grands, on associe de la musique Mexicaine et même parfois quelques mots pour donner une saveur locale. En fonction de l’âge on va voir un planisphère etc. Pour les collégiens, il y a plus d’angles d’attaques qui parfois, forment un travail commun. En art plastique, en espagnol naturellement, mais aussi en histoire (comment écrire une biographie associé au prof doc., comment faire des recherches pour écrire) et à l’enseignement du Français en atelier d’écriture dont les textes produits peuvent être fondés sur des tableaux de FRIDA, lesquels peuvent être reproduits en cours de dessin, les textes traduits en espagnol, reliés en travaux manuels, et l’objet de recherches tant en histoire qu’en CDI. Pour les lycées, comme certains collège, je peux aider à organiser des recherches qui sont les supports idéaux pour des exposés de la part des élèves, ou de panneaux et puis il y a la rencontre avec l’auteur après lecture de mon livre, c’est toujours intéressant pour un adolescent de constater que l’histoire et l’écrit peuvent être un projet de vie comme cela l’est pour moi. Généralement, ces échanges sont très riches et j’en ressors avec des approches nouvelles, c’est riche d’enseignements, quoi de plus logique, si je suis intervenu dans le milieu scolaire ?



Pierre Clavilier est conférencier, romancier, et premier biographe français auteur de "Frida Kalho, les ailes froissées" publié en 2006 aux Editions du Jasmin
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© Crédit photo Lyria Aladaz (2006)